juillet 23, 2010

le réel camarade


Oui oui, ce qui insiste, c’est le réel.
Un bloc d’insistance, qui ne se divise pas sans tomber dans l’inconsistance d'un discours.
Au réel, camarade, ton silence ne met pas de terme.

janvier 17, 2010

Et j'ai crié, crié-é...


Pousser le cri contre l'injustice de cette situation, Pousser le son profond, projeter le bruit pectoral du désaccord, du refus. De passage à Marseille, j'ai crié vendredi soir, nous avons crié entre Rond point du Prado et Préfecture, crié avec les autres, quelques autres (jamais assez nombreux pour cette cause) en solidarité avec la grève des sans-papiers.
Crier notre colère, ma colère au milieu des autres colères, ma colère mon désaccord avec toutes ces bassesses qui ont cours dans le pays de France.
Crier ma solidarité de principe avec les travailleurs immigrés sans-papier courageusement en grève.
Leur légitimité intégrale à être ici, à travailler ici, à rester ici, il faut la crier, nous avons crié tout ça et ça m'a fait du bien. Du bien, physiquement.
D'ailleurs on pourrait perfectionner nos cris, techniquement, afin de pouvoir faire un mur de cris, un chœur crié, quelque chose de terrible.

mai 07, 2009

Grippe A Hache Un Haine Un


Dans les fabriques de viande, l’homme met à sa disposition la bête. La bête y est nourrie avec de l’ordure. A plusieurs reprises la bête devient malade, et l’homme l’abat. Mais la maladie se développe.

La maladie de la bête, de la bête ravalée à l’état de pure viande, c’est un drame de l’époque. En même temps le drame est ancien. C’est un drame de la chair. Il y a l’état de chair que l’homme nomme homme, et il y a l’état de chair que l’homme nomme bête. L’un des deux fait de l’autre une viande, c’est-à-dire de la chair tuée pour les besoins de la chair. Mais à notre époque la bête transmet le mal par la viande, de sa viande à la chair de l’homme.

Ce qui peut avoir un sens dans ce drame ancien et nouveau, c’est qu’aujourd’hui la bête transmet à l’homme ce mal comme une réponse.

Que l’homme en même temps ne puisse prêter à la bête la capacité d’une telle réponse, que ce déni de tout répondant animal l’ait jusque là autorisé à une exploitation sans limite, voilà qui ajoute du mystère à ce qui arrive. Qu’il ne puisse prêter à la bête ni le soucis de la justice, ni celui de l’égalité, qui donnerait un motif à cette réponse, voilà qui a de quoi inquiéter l’homme.

Ce qui est remarquable dans cette réponse muette, c’est que la hiérarchie des chairs y est mise en question par la contagion direct de la bête à l’homme. Car au fond, une telle transmission rétablit la communication des chairs. Mais que cette transmission ne soit pas le fruit d’une intention supérieure, voilà qui doit aiguiser l’inquiétude de l’homme. La viande de la bête dit quelque chose à la chair de l’homme. Ce qui est dit par la viande est dit de la chair à la chair. Le message ici pourrait bien être le médium.

avril 25, 2009

curiosité


Sur ce terrain, ce qui a court en premier lieu, c’est une forme limpide et affirmée d'oisiveté. Le temps passe, n'atteint rien de tout ce qui se trouve ici, baigné d'oisiveté.

Qu'un volatile soit là par exemple, à rôder dans les parages, à jaboter, se reluquer, se toiletter sans cesse, alors que rien ne se meut, qu'il soit là, lui, l'émeu, aux alentours, fait langage. Un bec sur un cou, un cou sur un corps, un corps sur des jambes, des jambes sur des serres, des serres sur le sol, passent et cela fait language. Quelques gestes existent, capables de remplir l’espace du terrain. Le terrain s'en trouve orné, jardiné.

Etre cela qui passe, par ici dans le jardin, est une raison suffisante. Le temps, c’est là que ça se fait, c'est comme ça sur le terrain, pendant qu'une chose plumeuse s'enroule à une autre chose plumeuse. Pendant qu'un être d'air persiste au sol, la cuisse légère, la haute serre s’abattant là, sur terre muette d'ici-bas.

Ne décolle pas, ne vole pas, court parfois dans le jardin. Tue le temps alentour, coquette fourrure de vent, pavane dans les lauriers, vitesse là suspendue aux fleurs.

Et hop une serre retombe encore à terre, à mi-chemin le long corps animal. Ne rien faire d'autre que soi, c’est être elle, bête femelle, encore duveteuse au jabot, faisant nuage au-dessus du sol, tenant langage d’enjambées, tête plongée dans le col, se grattant du bec au tournant. Claquer du bec aussi, à tête froide, pas sentimentale, l’œil sans cil, fixe et toujours ouvert.

En tant que telle, inquièter l’homme.

Encore haute sous la torsion, un œil vagabond au bout du cou vrillé, de cette façon faire peur à l’homme. Faire froid dans le dos humain, de son propre œil sans paupière qui peut regarder son propre cul. Dedans le cou, la glotte coulisse en longue déboulée sur l’œsophage, percute sec, boumboum, se fait bien entendre sur terre d'ici-bas, face muette.

Boumboum dans l'espace, la pomme coule au caquet, frappe la panse de l'oiseau, vestige reptilien en jet de gorge et fleur de plume, tambour et serres-ventouses, de temps en temps décollant la croûte de terre muette, ici dans le jardin du bas.

Gratte le sol, écrit de ses grandes jambes de grande saurienne, inscrit, incise, scrute une trace laissée par sa marche ovipare, perpendiculaire à l'azur, en juste redressement d'animal, sans aile à l'horizon.

mars 14, 2009

Bienvenue chez lèche-dit

De France, lors de salon du livre littéraire massivement achalandé, un individu, fin lettré et crème de bon françois, interpella l'opinion publique. Voici ses paroles fidèlement rapportées :

- Assez d'assis, d'assignat, nia nia, d'assignation. Assez d'assignation de l’homme, d'assignation de l’homme de / Assignation de l’homme, par exemple, de lettre : de l'homme de lettre (Donne, Ô, baby foot...) Qu'est-ce que, qu'est-ce, par exemple, un homme de lettre ?

(Assis, allez, donne) Finalement : moule / De l’homme de lettre (donne) Moule finalement, tel que "oui patron !" Du moule de mâle, oui, de l’homme de lettre / sur terrain / du "oui Patron !", oui. Ô baby foot, on est sur le terrain / Idem au Mâlique aliéné : ni plus ni moins que : figurine du ballon rond / Beau gosse démoulé / Bien moulé Oui, Ô moule Ô mâlique, rendant, pendant, figure de ballon, face de, Ô, babyfoot...

Ha, l'homme de lettre / Rendant-pendant / ha, la figurine du foot à la / de l'homme de lettre à la figurine du foot / à la télé, beau derche bien moulé, Ô babyfoot... Baudruche “Oui patron !”, beau gosse du ballon rond, faux derche, face de, pivotent des poignets, tournent aux moules mâliques, du “Oui patron !”, à la faux derche, bien mâlique, d’éphèbe de babyfoot, au bout des pognes de l’homme de lettre : Kouros en petit short aquafresh dentistement new white / nuque rase, glabre et pilpoil pommettes, joues grisées, trois coups d'pinceau hop : La baudruche des faux derches, kouros-face-de ouaip.

Du bout des pognes, Hoap, ticul adida, Ô babyfoot...

"Oui patron oui patron oui patron !" / Babyfoot des ptits mecs à l’homme de lettre, les ptites figurines bien moulées, les ptites poupées du bout du poignon, faux derche, cul d’hom, des “ Oui patron !" moignons bien mâles ouaip, bien mâles à la moule des mignons moulés, les moulés du vieux fond d’homme de lettre, la vie des poupées, de face, ici démoulées. Avec, écrit, dessus : l'Homme, toujours. L'homme. Toujours.

Un autre, prenant soin de lui répondre en tous points , avec le plus grand aplomb lui répliqua :

- Coupez ! Hep Sclave, mate la TV ! C’est la moulade, à la télé, te dit de t’faire happer su'l'terrain va ! A la moulade des moulés / à la tétée / la tétée d’télé ouaip ! T’faire mouler, entériner, prend la têtée, dis "Oui patron !" Bien vu oui, ça c’est l’homme, du bien moulé ! Du babycul bien faux derche. A la tétée, baby. Ô sclave. Entérine la tétée , la têtée d’homme de lettre, Ô prince des vaudous, à Beille-bifoute, à la chaux de fond en suisse, au fond du faux des fausses lettres, hein baby ? un baby chez les chtis /

Rendant-pendant, poupées vaudou, Revla BAUDURCHE, la baudruche des fausses lettres. Des fausses lettres, y en faut bien des fausses lettres. A la pognée y’en faut. Aux poupées d’patron des vaudous, à la tétée !

Esclave ? Prince ? En suisse le Palais du Roi, Nan, à la lettre, à la tétée, sclave, à la tétée ! Faux faux de faux, même pas vaudou, derviche ! Même pas vaudou, faux derviches à tournée (mate comme y pivotent aux poignets, ces faux derviches en tournée, mire la pivote ! ça scripte en scripte) La faucille au derviche, qui tour qui tour qui tourne !

Ho sclave. A la rentrée. La faucille "oui patron !" mate. Rendant-pendant derviche, en faucille, mate mate. Bien courbé, bien affûté, viens couper viens couper / sous ses pieds sous ses pieds, derviche. Sous ses pieds sous ses pieds, pas les pieds d’soi, en dessous, là t’assois pas, pas là, pas d'soi ! Tu vois pas qu’là ça tourne ? Allez casse-toi ! Casse toi ça tourne, plus d’homme de lettre, coupez !

Sous les pieds du derviche, bien émiettés, des boys des pédés des pépés végétalisés, de-ci de-là / rendant-pendant les bouts d'mecs de verdure...

A la prochaine prise tu jette des brins, jette ça jette ça là ouaip. Les traits d’herbe à la giclée. Coupe, coupe bien en biais, sclave. Allez tond, sclave.

Dans l’coin ça fend l’air le trait d’herbe on dirait. Y tourne pas, y brasse droit l'brin d’herbe. Coupé d’biais ça jette ça jette / à-la-tondeuse-à-gazon / un flot bien dru d’brins coupés d’biais / des traits, des traits droits, coupés d’biais / qui poussent bien vert et de biais, hop on l’taille, on l’taille hop ! On lui taille son costard , en ptites coupures au sclave : en son habit d’monnaie biaisée.

mars 05, 2009

Il fait crise


Comme quelque fois il fait beau ou il pleut, là il fait crise. Pas de magie là. Il n'y a PAS de MAGIE. Ô dur, oui, l’homme / l’assignation de l’homme : du mâlique chiffré à la dur. Titrisé. Aïe. Alors ici j'assigne. J'assigne - texte-teigne - du comptant-combattant, du cash. C'est signé, Ô oui, dur texte / texte-teigne ouaip / à l’ordre de / à l’assigne à... A quoi ? A quel ordre ?

Pas d’magie là, il n'y a pas de magie, souviens-toi : KAPITAL.

Il pleut, il neige, il vente, il kapital.

Alors à l’ordre de quoi ? A l’illisible, au saigné, toujours du mâlique, du textué comptant et de l'ordre, combattant. "De l’ordre de la très grande difficulté à", Ô oui, du comptant-combattant. Bien difficile / bien dur. Ouaip, dur. Quelle dureté ? Dure lecture ouaip. Une dérouillée. Du saigné ouaip, et une dérouillée.

Compte, allez la teigne, Compte. T’es rien, alors compte. Dur à lister, dur à proférer, dur à surmonter, hein ? C'est dur la profération du listing, allez 1 allez 2 allez 3. J'entends pas mais depuis là : très grande difficulté à surmonter, à compter, à sortir le chéquier ouaip, sûr.

Pourtant, faut que ça saigne. C’est là que se donne l'exploit, le râclé de compta. Aux limites extrêmes de l’échec, ça saigne, au point où même défaillir est dur, mais parié ouaip, bien parié, inassumable et signé.

Allez pauvre, 1 2 3, j'entends pas. Ouaip soldat tatata, vas-y. Ouaip l'esclave allez, t’es perdu souviens-toi, il n'y a pas d’magie là (KAPITAL etc).

Comme toi le texte est employé. Employé au brut durcissement du flux, compté, recompté, compté et recompté, couvert et recouvert de flux dingue. Ha l'esclave / ça fuit ça fuit / il n'y a pas d’magie ici, rien dans les mains rien dans les poches, pas d'magie.

Juste le flux teigne des coupures-faillites, en nombre incalculable, en incessantes petites coupures, c’est l’incessant qui fait le flux, toujours la taillade de compassion, toute la compta par terre. C'est signé, c'est checké. Ciao la teigne / en petites coupures, bien dérouillé, c'est fini t’es fini.

C’est ça, le flux tendu façon esclave, bien épaulé de machine, bien tendu à la machine-flux. Elle retend, la machine, elle retend, chaque coupe sur chaque coupe, à chaque fois en avance sur ce qui suit, morceaux chiffrés du parler-faillite, texte-listing à l’annoncer en pièces, à la découpe d’annonce de nombre, au bout de flux stoppé, bien bousculé, au bout suivant, encore pas comptabilisé, flux boucher sorcier qui se recompose à la hâte, tranchaille de pièces remodelées mâlique verbal dénombré.

Taillé, taillé, c’est ça parle-faillite ouaip. Parle-faillite en décompte. Parle-faillite à l’assignation. A la coupée d’moulés, à l’assignation de l’homme, de chiffre à chiffre, pièce montée éclatée, petite peau de boursouffle qui se retend sur l’abîme :

c’est parler-faillite, shoot de soi-baudruche, rembrané sur noir trou-duc, du comptant-combattant, du bien noir bien obscur ouaip, parle-faillite à la volée, bien schooté, bien shooté le moule mâlique, tatata bien creusé. Crise on a dit. Tatata bien crisé, point.

janvier 02, 2009

mémoire


On fait la mémoire. Par le corps. On sent la mémoire à l’œuvre, incarnée. On entend les humains dans l’Histoire. Cette coulée qui les dépasse, ils la parlent. On les entend se souvenir. Ça fuit, ça tombe, ça meurt, ça se relève, ça continue, ça recommence. Ça se calme. Ça cicatrise. Le temps soigne. C’est un " ça " : ça gigote dans la mémoire. On l’entend dans ce que disent les témoins, les rescapés, les exilés, les résistants, les combattants, les femmes de chambre, les écrivains, les secrétaires, les comptables, les maçons, les artistes-peintres, les colonels, les contrôleurs, les passeurs, les bergers, les paysans, les truands, les musiciens, les physiciens... Peut-être même les salauds, les collabos. Ils peuvent toujours dire "je", on dirait que c’est autre chose qui est envoyée dans leur parole. Un " il". Un autre. Presque quelque chose, " ça ". L’espèce humaine.

A un moment, on est témoin de soi dans l’Histoire. C'est par une sorte de discours indirect qu'un témoin relate son histoire dans l’Histoire. Il peut voir dans sa propre parole ce que cette histoire a fait de lui. L’espèce humaine est une foule de témoins.

A certains témoins, quelque chose assure une distance vitale. C’est sûrement le temps. La vieillesse par exemple, la vieillesse peut être une force. Elle lance dans l’Impersonnel. Ce qui permet l’autodérision. Il y en a qui comme ça peuvent raconter leur vie comme une suite de foirades, qui pourtant les sauvent à chaque fois. L’art de se tirer d’affaire, de tenter n’importe quoi, l’illogique, l’insensé, utiliser l’échec, improviser. Kaïros contre Kronos. Keaton, Buster, contre la machine. A un moment, l’enjeu est très sérieux, mais vivre, c’est être dans le burlesque.

Les témoins sont plongés dans l’Histoire et dans la multitude. Les témoins constatent les immenses forces extérieures qui s'abattent sur leur mouvement vital. C’est là déjà qu’il y a résistance, c’est ce qui peut s’entendre dans la voix d'un témoin. Il y a des situations où simplement tenir debout, c’est résister. La guerre. Les débâcles, les trahisons, les déportations, les fuites, les gens sur les routes, dans les trains, dans les hôtels, les bateaux, les granges, les caves. La fuite, la fuite à Marseille, vers un autre monde, vers l’exil. Là où " ça " peut vivre.

La "paix", c’est le temps de l’habitude, de l’habiter. Quelque chose comme la guerre, ça rend le temps inhabitable. Des événements sont projetés contre le mur du temps, et l’ébranlent. La maison s’écroule. C’est la guerre.

Mais ce qui gagne à la fin, c’est le temps. Ça se calmera. On longera à nouveau le temps, le mur du temps. Et les choses et les lieux du monde le rejoindront, le mur les réintégrera en son sein… Le temps sans doute peut soigner.

Chez les humains, les blocs de temps adviennent par la parole. Presque intact, du passé pur jaillit des têtes. Le temps a rempli l’intérieur des vies, et la voix le redéverse dehors. Ça se raconte. Ça remonte un mur, un mur de temps. Comme un film. Les plans sont des briques de formes différentes. Il faut trouver un emboîtement. Il existe tant d’occasions de sentir l’hétérogénéité qui fonde l'existence. Le disparate, l’impossibilité d’effectuer une totalité, voilà ce qui se montre comme ma véritable condition. Le seul mortier, c’est le temps, le seul liant. Nous sommes alliés.

juin 22, 2008

caldo de cabeza, sin agua, sin cabeza



Paupières en fentes bien noires, bien serrées, bave pâteuse en boule molle sèche accumulée, lui, l'soiffard égaré, se garde en gargarité le peu d’humide, le si peu d’humide qui lui reste, de son sécrété si presque sec, de ses humeurs quasi taries, qui font des paquets de sécrétions grégaires, collantes et bien massées aux commissures, que de réserve une dernière vigueur lui fait lécher quand il peut, et ramener roidement vers la gorge cartonnée. Aimerait boire sa propre salive, s'il y en avait plus. S'il y en avait encore, fluide, limpide, de la salive. ça cogne comme jamais, mais faut que ça avance, même dans l'accablant. Dur travail d’assoiffé. Il marche, il continue, il perpétue la cadence, mais c'est pas lui qui va. Un soleil le suit ou le pousse, on peut pas dire. Mais on peut dire que son mouvement à ce moment, c’est ça, c’est ça et c’est peut-être seulement ça, pourtant rien ne se lit sur son visage ébloui, sur cette peau de gueule si plissée, si criblée de tant de sèches bouches, de toutes ces petites bouches pincées, bouches d’asphixe et d’aphone qui rabougrissent sa face.

Finit par manquer d’air mais continue, il a pas le choix, situé dans la déroute, avec la tête cuite en peau tannée, plongée comme ça depuis quand il sait plus, sa gueule crânienne noyée comme ça dans la taisure de la marche à seul, c'est plus si sûr que ça soit encore lui qui soit là où sa tête se tient. Lui, c'est-à-dire un bon moi. Mais ça repart, ça continue encore.

Dans le si vaste espace, celui maintenant qui s'est levé et qui marche là, trace droit tant qu'il peut, au long d’une ligne qu'il conçoit toute droite dans le crânien, et se garde bien de la gargue aride, et se garde bien du rogue de l’aphone, du perdu au désert, à l’erg et au reg du grand désert soufflant, au geste sévère du vent. Tant qu'il peut il s'en garde, il suit toujours bien comme il faut sa ligne branlante qui tient plutôt droit dans l’imaginaire qui lui reste. Quelque chose commence à perdre l’individu dans l’embrouille bien spéciale d’une espèce de toujours-pareil géographique, ça tous les égarés connaissent, mais quand bien même faut pas stopper la sèche marche d’égaré taiseux qui tient lieu du discours. Et d'erg à reg, gercé, suffoqué, à la perte de sa gueule, c’est pas vraiment qu'il se taise en fait, mais qu'ici, pour lui, rien n’est pouvoir-dire.

De sables en pierres, c’est l’aphone, c’est le mutique, partout où il va, partout où il stationne, où il reprend, s'assied, se couche, se lève. Où il foule, où il gratte la terre. Où il rebrousse un peu pour repartir. Où il fait des trous, soulève des pierres. Où il saisit le sable pour frotter la corne des pieds. N'y a plus de visage là, et comme ça au milieu du mutique, le mutique en marche avance dans l’effacé en cours, et d’erg à reg et de reg à erg, le mutique amoindri sa gueule marchant à la déroute, en continu, et plus le désert s’enfonce en désert, plus la déroute fait surface en déroute. Au désert, à la déroute, le mutique marche l'effacement, à la place de la gueule toujours l'effacement gagne, c’est là que ça commence à changer en autique, si l'on peut dire, c’est là d’où mute le mutique. Du mutique à l’autique, un toujours plus mutique en tout cas.

Voilà ce qui se passe : du méconnaissable, ça s'passe sur cette ligne continument semblable, avec toutefois des variantes minimes, ou bien des variantes plus flagrantes, mais tellement cycliques et pareilles, comme d’erg à reg et de reg à erg. C’est bien là qu'il y a encore chose naissante, du moins ça commence de commencer, mais en même temps, pourra jamais dire vraiment quand ça bascule. Et va et vient le corps en déroute, et va et vient le sans-geule marchant, et tapé d'soleil au désert, il va il vient, et d’erg à reg et de reg à erg, dans sa déroute, le corps dégueulé suit la tendance circulaire. Comme sur le cercle invisible qui barre sa figure, comme celui-la dont la boule se perd dans l’indifférent. D'la progression on pourrait dire que ça déserte, que ça déserte oui, d’erg à reg et de reg à erg, la déroute s’enfonce et mute l’homme mutique, et l’homme mutique quitte l’homme, et tout sombre et mute en dedans dans le dehors, grand indifférent. Ça déserte en virant le reconnaissable, et encore ça efface, et toujours plus, et il y a toujours moins de figure. D’erg à reg et de reg à erg, ça mute ça vire oui, mais en quoi, on peut plus dire. Semblable au sable, le silence avance en lui, et varie comme la dune, en immobilité.

juin 18, 2008

On est tous le sphinx de quelqu'un


Là dans la yurt, ça semble une caboche. Igualito, yurt et teste mesme lutte. En yurt il y a place pour le sphinx, bonhomme caboché mixé animal, l’mongol intérieur alliancé volatile, le Jah Klacan chamanant l'idiome, n'parlant pas la lang-de-l'hom mais la langue des choses, la langue du raz d'yurt.

En yurt il y a donc place pour les chiffrements d’sens cachés, graînés dans l'sol végétalisé, il y a place pour ce genre de chiffrements qu'il faut dépêtrer l’œil au pié, l’pié dans la signif, qui faut démêler vec l’orteil, ou même y aller à 4 pattes, tal que l’animal, en bon animaliste, il faut l’tirer, l’brouter bien animalistement, vec la mordante, vec la bouche à l’horizontale, à raz du sol, no pas la bouche phonatoire, no pas seulement la parlante, mais la mordante.

Car c'est bien la mesme bouche qui dit, c’est bien la mesme qui fouille dans les tapis d’signif chiffrée, c’est bien la mesme que celle qui mange la matière, qui fait du mutique et qui fait de l’énigmatique, qui fait du corps par la bouche. C'est bien par cet orifice que sphingeons.

Voyons bien qu'en yurt le bonhomme ne tire point dignité de sa position (4 pattes à manger du signifiant, on fait plus noble) mais de son adresse toute féline et démocratique, de son goût cultivé pour le ravin où tout se rejoint.

Un pintor avait dit jadis, l'avions entendu dire “ j’étions ravin du monde ”, savions pas d’où ça sortait mais l’pintor avait razon, ¿ n'avait-il pas razon de dire cosa pareille ?

Lo que la bouche busque en la yurt, c'est une langue donc, c'est bien une langue de ravin. A ce moment d’la vie parlante, en la sorte de raclement de fond de ravin, tal qu'el pintor avait profitablament énoncé, devons toujours busquer la langue qui ferait tenir notre vie dans notre parole.

En ce râlement palabré ferions, de notre vie, une vie ravinée par les voix d’ravin, une vie ravinée des voix du vrai monde, le monde plus grand que le mond'poche, la grande poche du monde s’écoulant en foule au ravin, s'écoulant au ravin du dire qui fonde ce moi pris dans une langue de l’autre.

Ainsi ce moi, tal que parti à la busque, à la fouille, à la creuse, avec toi mon ami, expatrié, icelui de qui s'inaugure un laïus hautement partagé, un dialogue de sphinx, mysterious speach, d'où la lang-de-l’hom violancée change notre vie parlante, la mute vers autre chose, respond au besoin d'une autre vie parlante, d’une autre langue, bougresse et philosophique, d’une langue creusée ainsi, d’une langue creusante.

Voulons faire de notre vie une énigme, car tu vois bien que leurs vies sont ça, ne sont que ça, des énigmes. Icelles, têtes parlantes, aussi les autres, têtes imparlantes. On est tous le sphinx de quelqu'un. Et quelque part toute chose est la sphinge d’une autre, même à l’autre bout du grand monde, même quand ça n'dit rien d’audible. Entre les choses du grand monde, il y a ceci : tout se relie dans l’énigme.

Même dans le mond'poche, même à la citadelle europe, même en oxy-dent mes salauds, on est au ravin.

Jah Klacan

juin 06, 2008

ma langue va mourir



Ma langue va mourir. On le dit, et sans doute en va-t-il des langues comme des civilisations, des religions. Ma langue va naître puisque j'écris, puisque nous l'écrivons, la parlons. Il faut à cette jeunesse toujours commençante le suppport d'une insondable vieillesse. Qui parle de décadence ? Les moribonds seulement, les muets, les traîtres,les bavards, les impuissants.

La langue naît d'une rupture : Elle n'en peut plus tout à coup d'être au service de ses références, de les nommer, de les refléter. La langue française est naturellement soumise au signifié : elle doit fournir des preuves, détailler des comptes, fixer des règles, donner la représentation. Mais soudain, rupture, et non pas générale, rupture dans une bouche particulière, qui devient le lieu d'origine de la révolution.

En France, la langue commune est tributaire des choses et du pouvoir : elle ne crée pas, elle enregistre. Il faut se désolidariser de cette articulation normale pour que naisse - dans cette langue mienne - la jubilation d'une liberté qui jaillit de la rupture individuelle. Alors, un instant au moins, tout se retourne à partir d'une bouche, et ce n'est plus le monde qui justifie les mots, car les mots l'éclairent.

Il y a dans ce pays un vieux complexe de légitimation : tout doit servir et tout est reconnu par rapport à la place occupée, mais qu'est-ce qu'une reconnaissance qui s'établit en délimitant ? La langue française a pour rôle d'ancrer ces limites, de les naturaliser par la nomination. Elle est aussi la substance du pouvoir. Elle est en soi médiatisante puisque, sous le prétexte de les faire communiquer, elle fige chacun et chaque chose dans sa fonction la plus servile.

Ma langue est morte dans le discours culturel. Ma langue remue son propre cadavre, le tourne, le relève. Ma langue naît dans la langue morte : elle arrache la peau qui trop signifiait, elle agite en l'air ce verbe défait, et le sens lui vient comme vient le souffle sur la nudité...

Cette langue-là n'est plus française dans son français : elle fait du monde son signifiant, et celui-ci modèle toute forme, car la chair se fait verbe pour que les corps soient l'avenir des mots...



Bernard Noël

septembre 24, 2007

Construire la yourte



Construire la Yourte c'est déjà partir. Partir d’une violence faite à la langue dans la langue, partir d’une nécessité personnelle de violanguer l’idiome natal.

À un moment le besoin existe de quitter la langue du dedans, besoin de faire un dehors à l’estouffade langagière, de tromper la langue, en bon traître, en fils indigne, en adule-terre. C’est ce que je veux nommer par le nom de yourte, ce mouvement tellurique d’un dedans vers un dehors de la langue. Dehors, c’est la yourte, dedans, c’est le mond’poche, tissé par la lang de l’hom. Moi pour l’occasion, c’est Jah Klacan.

Construire la yourte, c’est aussi partir dans un autre sens, qui contredit la notion précédente du « partir de », du « point de départ », de l’origine en somme. Toujours déjà parti. C’est être à la recherche d’un site agissant, mais qui n’aurait presque pas besoin d’exister, ou besoin seulement d’un presqu’exister, qui s’écrirait comme la géographie d’une quête pouvant se perpétuer partout, parce que justement privée d’un lieu où l’assigner. Une yourte, babel en kit, un habitat pour foutre le camp.

Yourter la langue, ou faire la yourte dans la langue, si l’on prétend se faire comprendre, comment ce nuage de sens pourrait-il encore être éclairci ? Faire la yourte, yourter la langue veut dire :

J’habiterai la langue à ma manière propre, je déjouerai les assignations de la langue (ses effets de dominance), je la rendrai habitable, espérant par là rendre habitable le monde lui-même.

Je deviendrai un redresseur de tort, une sorte de batman, de robin des bois, un zorro de la langue. Je vengerai les opprimés, les assignés, les malparlants, avec pour masque le nom de Jah Klacan.

Sphinge à Klacan



Ici dans la yourte, vivants se font sphingeants, habitant l'énigme en source de langue, soyant au chaud à la yourte, là où le vent parole attend, sphingeons à la yourte en plein dans l'énigme, où les vivant s'prennent la culbute de silence yourté, soyons à la yourte avec les choses dedans, l'poêle de fonte, l'tapis langue, l'vent parole, l'image radicelle, l'sexe animal, bref tout bastringue qui fait la chaire énigmatique et déculturante des mots tapis, la sphinge qui bien incrustée d'motifs entrelaçant, s'enlace en répétition.

En verve à commencement, ça sphinge, ça sphinge et la vie-là s'énigmatise en rien d'commun. Dans la yourte ça sphinge, ça fait du rien d'commun, ça sphinxifie l'existant. C'est dans la yourte que sphingeons mais depuis-là s'communisons quand même, tendons à ça, à s'communiser comme ça peut, vergogne au vestiaire voulons s'proférer ici, entre les vivants qui sont là, et les vivants qui sont là sont plus dans l'comprendre mais dans l'viv, et s'trouver comme ça dans l'viv c'est viv tant qu'on vit dans la vie, dans l'faire et dans l'sentir, c'est-à-dire entre les choses du monde, comme celles d'avant la langue et comme celles d'après.