mai 07, 2009

Grippe A Hache Un Haine Un


Dans les fabriques de viande, l’homme met à sa disposition la bête. La bête y est nourrie avec de l’ordure. A plusieurs reprises la bête devient malade, et l’homme l’abat. Mais la maladie se développe.

La maladie de la bête, de la bête ravalée à l’état de pure viande, c’est un drame de l’époque. En même temps le drame est ancien. C’est un drame de la chair. Il y a l’état de chair que l’homme nomme homme, et il y a l’état de chair que l’homme nomme bête. L’un des deux fait de l’autre une viande, c’est-à-dire de la chair tuée pour les besoins de la chair. Mais à notre époque la bête transmet le mal par la viande, de sa viande à la chair de l’homme.

Ce qui peut avoir un sens dans ce drame ancien et nouveau, c’est qu’aujourd’hui la bête transmet à l’homme ce mal comme une réponse.

Que l’homme en même temps ne puisse prêter à la bête la capacité d’une telle réponse, que ce déni de tout répondant animal l’ait jusque là autorisé à une exploitation sans limite, voilà qui ajoute du mystère à ce qui arrive. Qu’il ne puisse prêter à la bête ni le soucis de la justice, ni celui de l’égalité, qui donnerait un motif à cette réponse, voilà qui a de quoi inquiéter l’homme.

Ce qui est remarquable dans cette réponse muette, c’est que la hiérarchie des chairs y est mise en question par la contagion direct de la bête à l’homme. Car au fond, une telle transmission rétablit la communication des chairs. Mais que cette transmission ne soit pas le fruit d’une intention supérieure, voilà qui doit aiguiser l’inquiétude de l’homme. La viande de la bête dit quelque chose à la chair de l’homme. Ce qui est dit par la viande est dit de la chair à la chair. Le message ici pourrait bien être le médium.

avril 25, 2009

curiosité


Sur ce terrain, ce qui a court en premier lieu, c’est une forme limpide et affirmée d'oisiveté. Le temps passe, n'atteint rien de tout ce qui se trouve ici, baigné d'oisiveté.

Qu'un volatile soit là par exemple, à rôder dans les parages, à jaboter, se reluquer, se toiletter sans cesse, alors que rien ne se meut, qu'il soit là, lui, l'émeu, aux alentours, fait langage. Un bec sur un cou, un cou sur un corps, un corps sur des jambes, des jambes sur des serres, des serres sur le sol, passent et cela fait language. Quelques gestes existent, capables de remplir l’espace du terrain. Le terrain s'en trouve orné, jardiné.

Etre cela qui passe, par ici dans le jardin, est une raison suffisante. Le temps, c’est là que ça se fait, c'est comme ça sur le terrain, pendant qu'une chose plumeuse s'enroule à une autre chose plumeuse. Pendant qu'un être d'air persiste au sol, la cuisse légère, la haute serre s’abattant là, sur terre muette d'ici-bas.

Ne décolle pas, ne vole pas, court parfois dans le jardin. Tue le temps alentour, coquette fourrure de vent, pavane dans les lauriers, vitesse là suspendue aux fleurs.

Et hop une serre retombe encore à terre, à mi-chemin le long corps animal. Ne rien faire d'autre que soi, c’est être elle, bête femelle, encore duveteuse au jabot, faisant nuage au-dessus du sol, tenant langage d’enjambées, tête plongée dans le col, se grattant du bec au tournant. Claquer du bec aussi, à tête froide, pas sentimentale, l’œil sans cil, fixe et toujours ouvert.

En tant que telle, inquièter l’homme.

Encore haute sous la torsion, un œil vagabond au bout du cou vrillé, de cette façon faire peur à l’homme. Faire froid dans le dos humain, de son propre œil sans paupière qui peut regarder son propre cul. Dedans le cou, la glotte coulisse en longue déboulée sur l’œsophage, percute sec, boumboum, se fait bien entendre sur terre d'ici-bas, face muette.

Boumboum dans l'espace, la pomme coule au caquet, frappe la panse de l'oiseau, vestige reptilien en jet de gorge et fleur de plume, tambour et serres-ventouses, de temps en temps décollant la croûte de terre muette, ici dans le jardin du bas.

Gratte le sol, écrit de ses grandes jambes de grande saurienne, inscrit, incise, scrute une trace laissée par sa marche ovipare, perpendiculaire à l'azur, en juste redressement d'animal, sans aile à l'horizon.

mars 14, 2009

Bienvenue chez lèche-dit

De France, lors de salon du livre littéraire massivement achalandé, un individu, fin lettré et crème de bon françois, interpella l'opinion publique. Voici ses paroles fidèlement rapportées :

- Assez d'assis, d'assignat, nia nia, d'assignation. Assez d'assignation de l’homme, d'assignation de l’homme de / Assignation de l’homme, par exemple, de lettre : de l'homme de lettre (Donne, Ô, baby foot...) Qu'est-ce que, qu'est-ce, par exemple, un homme de lettre ?

(Assis, allez, donne) Finalement : moule / De l’homme de lettre (donne) Moule finalement, tel que "oui patron !" Du moule de mâle, oui, de l’homme de lettre / sur terrain / du "oui Patron !", oui. Ô baby foot, on est sur le terrain / Idem au Mâlique aliéné : ni plus ni moins que : figurine du ballon rond / Beau gosse démoulé / Bien moulé Oui, Ô moule Ô mâlique, rendant, pendant, figure de ballon, face de, Ô, babyfoot...

Ha, l'homme de lettre / Rendant-pendant / ha, la figurine du foot à la / de l'homme de lettre à la figurine du foot / à la télé, beau derche bien moulé, Ô babyfoot... Baudruche “Oui patron !”, beau gosse du ballon rond, faux derche, face de, pivotent des poignets, tournent aux moules mâliques, du “Oui patron !”, à la faux derche, bien mâlique, d’éphèbe de babyfoot, au bout des pognes de l’homme de lettre : Kouros en petit short aquafresh dentistement new white / nuque rase, glabre et pilpoil pommettes, joues grisées, trois coups d'pinceau hop : La baudruche des faux derches, kouros-face-de ouaip.

Du bout des pognes, Hoap, ticul adida, Ô babyfoot...

"Oui patron oui patron oui patron !" / Babyfoot des ptits mecs à l’homme de lettre, les ptites figurines bien moulées, les ptites poupées du bout du poignon, faux derche, cul d’hom, des “ Oui patron !" moignons bien mâles ouaip, bien mâles à la moule des mignons moulés, les moulés du vieux fond d’homme de lettre, la vie des poupées, de face, ici démoulées. Avec, écrit, dessus : l'Homme, toujours. L'homme. Toujours.

Un autre, prenant soin de lui répondre en tous points , avec le plus grand aplomb lui répliqua :

- Coupez ! Hep Sclave, mate la TV ! C’est la moulade, à la télé, te dit de t’faire happer su'l'terrain va ! A la moulade des moulés / à la tétée / la tétée d’télé ouaip ! T’faire mouler, entériner, prend la têtée, dis "Oui patron !" Bien vu oui, ça c’est l’homme, du bien moulé ! Du babycul bien faux derche. A la tétée, baby. Ô sclave. Entérine la tétée , la têtée d’homme de lettre, Ô prince des vaudous, à Beille-bifoute, à la chaux de fond en suisse, au fond du faux des fausses lettres, hein baby ? un baby chez les chtis /

Rendant-pendant, poupées vaudou, Revla BAUDURCHE, la baudruche des fausses lettres. Des fausses lettres, y en faut bien des fausses lettres. A la pognée y’en faut. Aux poupées d’patron des vaudous, à la tétée !

Esclave ? Prince ? En suisse le Palais du Roi, Nan, à la lettre, à la tétée, sclave, à la tétée ! Faux faux de faux, même pas vaudou, derviche ! Même pas vaudou, faux derviches à tournée (mate comme y pivotent aux poignets, ces faux derviches en tournée, mire la pivote ! ça scripte en scripte) La faucille au derviche, qui tour qui tour qui tourne !

Ho sclave. A la rentrée. La faucille "oui patron !" mate. Rendant-pendant derviche, en faucille, mate mate. Bien courbé, bien affûté, viens couper viens couper / sous ses pieds sous ses pieds, derviche. Sous ses pieds sous ses pieds, pas les pieds d’soi, en dessous, là t’assois pas, pas là, pas d'soi ! Tu vois pas qu’là ça tourne ? Allez casse-toi ! Casse toi ça tourne, plus d’homme de lettre, coupez !

Sous les pieds du derviche, bien émiettés, des boys des pédés des pépés végétalisés, de-ci de-là / rendant-pendant les bouts d'mecs de verdure...

A la prochaine prise tu jette des brins, jette ça jette ça là ouaip. Les traits d’herbe à la giclée. Coupe, coupe bien en biais, sclave. Allez tond, sclave.

Dans l’coin ça fend l’air le trait d’herbe on dirait. Y tourne pas, y brasse droit l'brin d’herbe. Coupé d’biais ça jette ça jette / à-la-tondeuse-à-gazon / un flot bien dru d’brins coupés d’biais / des traits, des traits droits, coupés d’biais / qui poussent bien vert et de biais, hop on l’taille, on l’taille hop ! On lui taille son costard , en ptites coupures au sclave : en son habit d’monnaie biaisée.

mars 05, 2009

Il fait crise


Comme quelque fois il fait beau ou il pleut, là il fait crise. Pas de magie là. Il n'y a PAS de MAGIE. Ô dur, oui, l’homme / l’assignation de l’homme : du mâlique chiffré à la dur. Titrisé. Aïe. Alors ici j'assigne. J'assigne - texte-teigne - du comptant-combattant, du cash. C'est signé, Ô oui, dur texte / texte-teigne ouaip / à l’ordre de / à l’assigne à... A quoi ? A quel ordre ?

Pas d’magie là, il n'y a pas de magie, souviens-toi : KAPITAL.

Il pleut, il neige, il vente, il kapital.

Alors à l’ordre de quoi ? A l’illisible, au saigné, toujours du mâlique, du textué comptant et de l'ordre, combattant. "De l’ordre de la très grande difficulté à", Ô oui, du comptant-combattant. Bien difficile / bien dur. Ouaip, dur. Quelle dureté ? Dure lecture ouaip. Une dérouillée. Du saigné ouaip, et une dérouillée.

Compte, allez la teigne, Compte. T’es rien, alors compte. Dur à lister, dur à proférer, dur à surmonter, hein ? C'est dur la profération du listing, allez 1 allez 2 allez 3. J'entends pas mais depuis là : très grande difficulté à surmonter, à compter, à sortir le chéquier ouaip, sûr.

Pourtant, faut que ça saigne. C’est là que se donne l'exploit, le râclé de compta. Aux limites extrêmes de l’échec, ça saigne, au point où même défaillir est dur, mais parié ouaip, bien parié, inassumable et signé.

Allez pauvre, 1 2 3, j'entends pas. Ouaip soldat tatata, vas-y. Ouaip l'esclave allez, t’es perdu souviens-toi, il n'y a pas d’magie là (KAPITAL etc).

Comme toi le texte est employé. Employé au brut durcissement du flux, compté, recompté, compté et recompté, couvert et recouvert de flux dingue. Ha l'esclave / ça fuit ça fuit / il n'y a pas d’magie ici, rien dans les mains rien dans les poches, pas d'magie.

Juste le flux teigne des coupures-faillites, en nombre incalculable, en incessantes petites coupures, c’est l’incessant qui fait le flux, toujours la taillade de compassion, toute la compta par terre. C'est signé, c'est checké. Ciao la teigne / en petites coupures, bien dérouillé, c'est fini t’es fini.

C’est ça, le flux tendu façon esclave, bien épaulé de machine, bien tendu à la machine-flux. Elle retend, la machine, elle retend, chaque coupe sur chaque coupe, à chaque fois en avance sur ce qui suit, morceaux chiffrés du parler-faillite, texte-listing à l’annoncer en pièces, à la découpe d’annonce de nombre, au bout de flux stoppé, bien bousculé, au bout suivant, encore pas comptabilisé, flux boucher sorcier qui se recompose à la hâte, tranchaille de pièces remodelées mâlique verbal dénombré.

Taillé, taillé, c’est ça parle-faillite ouaip. Parle-faillite en décompte. Parle-faillite à l’assignation. A la coupée d’moulés, à l’assignation de l’homme, de chiffre à chiffre, pièce montée éclatée, petite peau de boursouffle qui se retend sur l’abîme :

c’est parler-faillite, shoot de soi-baudruche, rembrané sur noir trou-duc, du comptant-combattant, du bien noir bien obscur ouaip, parle-faillite à la volée, bien schooté, bien shooté le moule mâlique, tatata bien creusé. Crise on a dit. Tatata bien crisé, point.

janvier 02, 2009

mémoire


On fait la mémoire. Par le corps. On sent la mémoire à l’œuvre, incarnée. On entend les humains dans l’Histoire. Cette coulée qui les dépasse, ils la parlent. On les entend se souvenir. Ça fuit, ça tombe, ça meurt, ça se relève, ça continue, ça recommence. Ça se calme. Ça cicatrise. Le temps soigne. C’est un " ça " : ça gigote dans la mémoire. On l’entend dans ce que disent les témoins, les rescapés, les exilés, les résistants, les combattants, les femmes de chambre, les écrivains, les secrétaires, les comptables, les maçons, les artistes-peintres, les colonels, les contrôleurs, les passeurs, les bergers, les paysans, les truands, les musiciens, les physiciens... Peut-être même les salauds, les collabos. Ils peuvent toujours dire "je", on dirait que c’est autre chose qui est envoyée dans leur parole. Un " il". Un autre. Presque quelque chose, " ça ". L’espèce humaine.

A un moment, on est témoin de soi dans l’Histoire. C'est par une sorte de discours indirect qu'un témoin relate son histoire dans l’Histoire. Il peut voir dans sa propre parole ce que cette histoire a fait de lui. L’espèce humaine est une foule de témoins.

A certains témoins, quelque chose assure une distance vitale. C’est sûrement le temps. La vieillesse par exemple, la vieillesse peut être une force. Elle lance dans l’Impersonnel. Ce qui permet l’autodérision. Il y en a qui comme ça peuvent raconter leur vie comme une suite de foirades, qui pourtant les sauvent à chaque fois. L’art de se tirer d’affaire, de tenter n’importe quoi, l’illogique, l’insensé, utiliser l’échec, improviser. Kaïros contre Kronos. Keaton, Buster, contre la machine. A un moment, l’enjeu est très sérieux, mais vivre, c’est être dans le burlesque.

Les témoins sont plongés dans l’Histoire et dans la multitude. Les témoins constatent les immenses forces extérieures qui s'abattent sur leur mouvement vital. C’est là déjà qu’il y a résistance, c’est ce qui peut s’entendre dans la voix d'un témoin. Il y a des situations où simplement tenir debout, c’est résister. La guerre. Les débâcles, les trahisons, les déportations, les fuites, les gens sur les routes, dans les trains, dans les hôtels, les bateaux, les granges, les caves. La fuite, la fuite à Marseille, vers un autre monde, vers l’exil. Là où " ça " peut vivre.

La "paix", c’est le temps de l’habitude, de l’habiter. Quelque chose comme la guerre, ça rend le temps inhabitable. Des événements sont projetés contre le mur du temps, et l’ébranlent. La maison s’écroule. C’est la guerre.

Mais ce qui gagne à la fin, c’est le temps. Ça se calmera. On longera à nouveau le temps, le mur du temps. Et les choses et les lieux du monde le rejoindront, le mur les réintégrera en son sein… Le temps sans doute peut soigner.

Chez les humains, les blocs de temps adviennent par la parole. Presque intact, du passé pur jaillit des têtes. Le temps a rempli l’intérieur des vies, et la voix le redéverse dehors. Ça se raconte. Ça remonte un mur, un mur de temps. Comme un film. Les plans sont des briques de formes différentes. Il faut trouver un emboîtement. Il existe tant d’occasions de sentir l’hétérogénéité qui fonde l'existence. Le disparate, l’impossibilité d’effectuer une totalité, voilà ce qui se montre comme ma véritable condition. Le seul mortier, c’est le temps, le seul liant. Nous sommes alliés.